samedi, janvier 27, 2007

What a mess (Aveuglement - petite fille qui boude- barricade de sourires - silence assourdissant - poissons à l'envers - ténèbres - anesthésie)

En ce moment, je me sens incapable de faire quoique ce soit, comme engluée dans mon esprit déstructuré. Incapâble de me lever le matin, incapable de ranger ma chambre qui devient un bazar innomable où il est à peine possible de marcher, incapable d'écrire, de lire, d'accomplir quelque chose, de m'impliquer, incapable d'aimer. Bref, je me dis quand même que sans un minimum de volonté je vais rester dans cet état et me laisser porter au gré des intempéries de mon esprit. Donc, je m'installe en face de ce clavier et je me retrouve ainsi, en train d'enchainer ces mots inutiles. Je fais essayer de les faire ressembler à quelque chose, même si ça peut me prendre du temps. Depuis des semaines des début de notes s'accumulent dans ma tête, des moments répertoriés, post-ités, que j'espere arriver à saisir une seconde fois avec des mots. Cette note va être un beau bazard.

J'attends tranquilement à l'abri de bus. Je suis juste en train de me dire que les seuls moments où je suis vraiment comblée sont ceux où j'ai mes écouteurs dans les oreilles, une cigarette aux lèvres et un soleil doré en face. Comme j'aime être aveuglée...
Un car d'enfants s'arrête au feu rouge. Une petite fille me regarde avec intêret et chuchote quelque chose à ses copines, deux garçons font des grimaces, et une autre petite fille, toute seule, a l'air de bouder. Elle regarder le paysage d'un air vaguement blasé, son visage enfoncé dans sa main, elle a l'air d'avoir envie d'être à mille lieues d'ici. Elle m'est bien sympathique, cette petite fille. Elle me rapelle moi...
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"Mais tu es tout le temps dans la lune en fait, tu planes complètement !" me dit M. au retour, dans le métro, après que je lui ai parlé de ma facheuse manie de tout perdre ou tout oublier n'importe où. "Moui...ça se voit ?" "En fait c'est marrant parce que tu es tout le temps en train de rigoler, mais tu as l'air de penser à autre chose en même temps..." c'est là que je me rends compte à quel point le rire devient, surtout dès que je me retrouve en groupe, une défense automatique, une façon d'être présente et acceptée, d'établir un lien. Sourire flottant derrière lequel je me barricade et sans lequel je n'arriverai pas à être là parmis tous, car très vite je me perds et ne deviens qu'une ombre qui n'arrive pas à se matérialiser...

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Dimanche soir, avec L. dans un restaurant japonais, à nous empifrer de sushis, makis, sashimis, brochettes de boeuf au fromage... On est seules dans ce restaurant, mais il y a au moins quatre serveurs, se parlant dans un japonais que l'on ne comprend pas. L'atmosphere du restaurant est assez étrange, car il y a un bruit, une vibration qui sort d'on ne sait où et qui remplit la pièce. Difficile à décrire, mais c'est comme le bruit du silence fortement amplifié. Une vibration sourde, qui donne une impression de "silence assourdissant"... Et nous, nous sommes comme suspendues dans l'air...
Après le repas, avec un thé accompagné d'une cigarette, nous nous retrouvons à contempler l'aquarium en face de notre table. Je n'avais jamais pris la peine de les observer , mais c'est assez fascinant, les poissons ! Il y en a de toutes les couleurs, un blanc et rouge, un orange, un doré, un noir que l'on surnomme vite "la mort". Leurs nageoires sont incroyablement minces, à tel point qu'on dirait de la soie très fine, presque translucide, prête à se liquéfier, qui ondule gracieusement au gré de leurs mouvements. Un poisson retient notre attention, il a un comportement très étrange : il est incliné de 90° en quelque sorte, et dès qu'il essai de se remettre droit, bien horizontal, on dirait que sa queue remonte et le réincline automatiquement, comme si sa queue était incroyablement légère et qu'elle l'entrainait irrésistiblement à la surface, et le pauvre poisson doit constamment lutter pour ne pas remonter flotter à la surface. Il doit avoir le tourni, à force d'être de travers. Je compatis pour ce petit poisson, j'ai l'impression qu'il est une métaphore grotesque de mon esprit, toujours occupé à flotter plus haut, ce qui fait que je me retrouve completement de travers, désaxée, et que j'ai un mal fou à avancer.

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Quelques heures plus tard, dans le bois de Vincennes. Il est plus de minuit, et on roule à vélo dans une dense obscurité, il n'y a plus aucune lumière dans le bois. Je me sens soudain à des kilomètres de la ville, dans une sorte de campagne mystérieuse et un peu inquiétante, avec tous ces petits bruits non identifiables venant des arbres, des buissons et du lac à côté... Un goût d'aventure et de danger me remonte à la bouche, mon coeur bondit à la rencontre de tous les monstres inventés que j'imagine tapis dans le noir. Les ténèbres effacent toute trace de présence humaine et laisse l'imagination et l'irrationel prendre place et créer une atmosphere fantastique... On est à Porte Dorée et on decide de faire le tour du lac, enfin débarassé des mômes, chiens et parents tournant bruyamment autour toute la journée. Pour une fois l'endroit est désert, et là il nous appartient. Ou plutôt, c'est nous qui lui appartenons il me semble. Quel exaltation de rouler dans le noir autour de cette grande étendue d'eau miroitante aux rayons de la lune ! Tout l'air semble densifié et chargé d'énigmes, il y a une sorte de présente qui y flotte et que nous pouvons respirer. Ce qui m'exalte aussi, c'est assez bête, mais c'est que ça m'a toujours fasciné de penser que tous les endroits où je suis allée continuent à "vivre" en mon absence, ainsi que tous ceux où je n'ai jamais été d'ailleurs, c'est une vérité évidente mais je trouve toujours ça incroyable de m'imaginer qu'à l'instant présent ils "sont en train d'exister", si loin soient ils. Cette petite crique en Grece, notre jardin dans l'île, ce petit chemin dans la montagne, ce pont au dessus du canal glacé embrassant la ville à Berlin... tous ces endroits qui comme celui ci doivent être déserts en ce moment mais qui continuent à "être", l'absence de gens révélant plus intensément leur présence me semble-t-il... Et là c'est comme si j'étais une spectatrice qui avait réussi à se glisser dans les coulisses, et qui pouvait observer impudiquement ce lieu dans toute son intimité...
Ca me rappelle ce moment où, dans une de mes nombreuses promenades à vélo, j'étais arrivée sur une plage déserte après dix minutes de "pédalement" dans l'obscurité totale, ma lente avancée dans le sable dans lequel j'avais l'impression de m'enfoncer un peu plus à chaque pas, cette brise salée qui m'emmelait les cheveux, tout l'océan que je devinais étalé devant moi, noir et agité, prêt à venir me cueillir si je le voulais, et en face cette petite dune au dessus de laquelle brillait fierement la pleine lune, grande, ronde, belle et lumineuse, avec dans mes oreilles un mélancolique Avé Maria... Toute la beauté et la tristesse qui m'envahissaient à ce moment là...
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Je le laisse mettre de la distance entre nos corps enlacés l'instant d'avant. De toute façon, même si je l'ai longtemps désiré, je ne mesure pas bien ce qui s'est passé. Comme si mes émotions venaient d'être anesthésiées. Je ne ressens rien, ni joie ni tristesse, ni satisfaction ni frustration, ni contentement ni regrets... Il y a juste un espace blanc. Je suis là mais je ne suis qu'une écorce vide et sèche, la sève ne coule pas. Malgré tout, j'ai l'intuition que tout ce qu'on y inscrit reste bien gravé. Comme souvent avant de m'endromir, des paroles de chanson me trottent dans la tête : "Tonight, your ghost will ask my ghost : where is the love ?"
Le lendemain matin, il neigeait.

Encore Irène Jacob dans la double vie de Véronique...

Et puis deux très beau morceaux sans rapports entre eux à part qu'on les retrouve dans des films de Wong Kar Wai, le premier dans 2046 et le second dans Chunking Express :



8 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Ta note me fait penser à ma façon d'écrire dans certains posts : un mélange de moments dans lesquels ce qui nous entoure devient métaphore de notre état / nos sentiments, le tout entrecoupé de souvenirs... Même le titre d'ailleurs est dans le style de ceux que j'ai parfois écrit.
Chez toi, ce bazar est vraiment beau, et puis tous tes mots te rendent belle d'ailleurs, et un peu irréelle, à la fois bercée par le mouvement extérieur et fixée dans ton univers à toi...
Je m'identifie facilement aux petites filles lointaines dans lesquelles je me retrouve, moi aussi.
Le sourire social automatique est peut-être aussi une façon de te cacher ? Chez moi c'est souvent le cas, une façon de dire "tout va bien et je suis bien ici" quand en réalité on se sent très loin...
J'aime la métaphore du poisson désaxée. Mais peut-être que malgré sa fatigue, ce qu'il voit "plus haut" est un spectacle plus intéressant que celui de ses congénères. Si ça se trouve, il n'a aucune envie de suivre le même chemin que les autres :p
(je ne commente pas le paragraphe suivant parce qu'il est trop beau, j'ai peur de l'abimer)
L'espace blanc et cette phrase de Metric qui m'est si souvent venu à l'esprit... *soupir*

8:59 AM  
Blogger Broutille said...

Oui je dois dire que ton influence y est très certainement pour quelque chose, autant pour le titre que pour la structure du texte, j'aime bien cette façon de faire. Et là je n'avais pas envie de faire cinq notes différentes sur ces moments (ce que jaurai sans doute fait si je les avais écrites au fur et à mesure).
Et puis merci, chez toi aussi ce bazar est vraiment très beau. (sans vouloir jouer au ping pong !)
Oui c'est aussi une façon de se cacher, pour qu'on ne s'apperçoive pas où sont réellement nos pensées, une façon de dire "tout va bien je suis ici", pas seulement aux autres mais aussi à soi même (surtout à moi dans mon cas) car c'est un élément sans lequel j'ai peur de me dématériéliser...
Le poisson n'a sans doute pas envie de suivre le même chemin que les autres mais ce n'est pas quelque chose non plus qu'il a décidé et qui dépend de lui, il semble être déchiré entre plusieurs forces qui doivent l'étourdir...
Merci c'est mignon, "peur de l'abimer" :-) c'est ce que je ressens souvent avec tes textes.
*soupir*

8:10 PM  
Blogger Parlons peu said...

C'est vrai, il y a un peu de Junko dans ce que tu écris mais passé minuit, à vélo ou sans vélo, tes récits ont une toute autre dimension.Tu appréhendes si bien la nuit qu'elle semble t'appartenir à jamais et puis cette touche finale, ce "Post...animal triste", je suis de l'avis de la grande dame, c'est du grand art.

11:55 PM  
Blogger Broutille said...

Oh, merci vraiment pour ces beaux compliments, je ne suis pas sure de les mériter entièrement !
Pour la touche finale, je ne voulais pas vraiment qu'elle soit triste, je voulais surtout retranscrire l'absence d'émotion / l'incapacité à en ressentir parfois...

9:07 PM  
Blogger Broutille said...

Il faudrait que je perte cette manie de remodeler imperceptiblement mes textes 3 jours après les avoir publié... (d'autant plus que c'est souvent indetectable)
bon en fait là je n'ai ajouté que quelques indications concernant les morceaux et la dernière image, et une dernière phrase.

1:07 AM  
Blogger Parlons peu said...

Coïncidences! Je tourne les feuilles d'un ouvrage d'un ami poète*, je tombe sur ces lignes:

"J'écris sur les blessures du soir
Pour retrouver ton nom dans la brume de la mémoire
Pour que tu sois une pluie vivante
Et non la neige qui fume l'exil et l'absence

J'écris
Eclaboussure du soir
Je décrie l'innomable
J'écris
La nuit aussi dense que le sommeil
La fontaine bornant l'espace ne rythme plus mes pas
Et pour chanter ta beauté l'étoile sur mon lit a laissé son oeil gauche
Paysage d'aquarium pour ta patience
La nuit s'est faite complice de ma passion du temps illimité
J'écris
Je me regarde au miroir
Ton visage apparait à la place du mien comme si mon pouce gauche délimitait le monde."

*Jean-Max Calvin

4:12 PM  
Blogger Broutille said...

J'aime les coincidences :)
(C'est drôle comme on y retrouve la neige, la nuit dense, l'aquarium, et puis les sentiments décrits...)
Il est très beau, ce poème, je l'aurai mis comme "illustration" de plus de cette note si je l'avais connu avant. J'aime beaucoup l'image de la "pluie vivante" contre "la neige qui fûme l'exil et l'absence"...

10:52 PM  
Blogger Tiphaine Violette said...

C'est drôle, je regarde La double vie de Véronique et tombe sur ce beau blog en voulant remplir mes yeux d'Irène Jacob. Ca peut paraître présomptueux mais, en lisant le début du billet, j'ai eu l'impression de me lire le début, je n'écris pas aussi joli que vous. J'aime bien la coïncidence, en tout cas. :)
Vous avez un blog mademoiselle, qui zoup dans mes favoris.

12:05 AM  

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